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Le potager

 

Fukuoka fait pousser ses légumes au milieu des agrumes ou dans des champs entre les mauvaises herbes. La méthode de Fukuoka est peu applicable telle quelle en France, mais peut être adaptée. 

-    Légumes et herbes poussent avec une préparation du sol minimale : au printemps, les graines de bardane, chou, radis, soja, moutarde, navet, carotte et autres sont mélangées et lancées pour germer dans un endroit à ciel ouvert, parmi les arbres, juste avant une période de pluie. Il faut le faire avant que les feuilles des arbres soient présentes, et après la période de gel, avec des légumes et herbes à croissance rapide. Le climat humide et le sol argileux de Fukuoka sont propices à cette méthode. 

-  Faire pousser les bons légumes au bon moment avec du compost et éventuellement du fumier de volaille [le BRF est probablement encore plus efficace].

-    Semer à la volée (sans faire de ligne, qui attire insectes et poulets) quand il pleut plusieurs jours, au début du printemps, puis de l’automne. Si besoin, trempez les semences dans l’eau 24h et les enfermées dans des boulettes d’argile pour les aider à germer et les protéger.

-    Les mauvaises herbes sont coupées et laissées sur place pour recouvrir les graines et servir de mulch et de protection contre les oiseaux. Il faut parfois recouper en attendant que les poussent de légumes soient assez grandes. On sème du trèfle blanc en même temps que les légumes semés au début de l’automne pour contrôler les mauvaises herbes, enrichir le sol, servir de mulch et garder la terre humide et bien aérée. Quand il a prise, on n’a plus besoin d’en resemer avant 5 ou 6 ans.

-    Les légumes qui ne sont pas récoltés et resèment tout seuls reprennent le goût de légumes sauvages ; ail, oignions blancs japonais et poireaux chinois reviennent tous seuls chaque année

-    Les légumineuses doivent être semées au printemps. Flageolets et cowpeas ont de hauts rendements et sont faciles. Pour les pois, haricots azukis, soja, haricots pinto et flageolets, la germination précoce est capitale : il faut de la pluie et une bonne protection contre les oiseaux et insectes (paille, etc.).

-   Tomates et aubergines ne résistent pas aux mauvaises herbes au début et sont donc démarrées en planche puis replantées. Laissez les tomates courir au sol au lieu de les ramer afin que les nœuds de la tige principale prennent racine (=>nouvelles pousses).

-    Prendre des concombres rampants, et après un 1er désherbage, laisser. Etaler des bambous ou bâtons pour que les concombres, courges et melons s’enroulent autour (les fruits sont alors maintenus légèrement au-dessus du sol et ne pourrissent pas).

-   Pour les pommes de terres, en laisser qqs unes pour qu’elles reviennent. Planter d’abord des radis japonais si la terre est compacte et dure.

-    Les monocultures favorisent les maladies : les plantations doivent être variées.

-    Etudier le type de mauvaises herbes de son jardin pour connaître les déficiences du sol et les cycles naturels à respecter.  

 

Fukuoka insiste enfin sur la nécessité de prendre en compte les conditions particulières qui peuvent varier d’un endroit à l’autre et dans le temps (propriétés du sol, pluie, ensoleillement, température, etc.).

Pour aller plus loin :

Masanobu Fukuoka, L'Agriculture naturelle : Théorie et pratique pour une philosophie verte, Guy Trédaniel Éditeur, 2004, 326 p.

Claude & Lydia Bourguignon, Le sol, la terre et les champs, ed. Sang de la terre,  2008, 221 p.

Bill Molisson, Introduction à la permaculture, ed. Passerelle eco, 2012, 240p.

Le forum francophone de permaculture : http://forum.permaculture.fr/index.php?sid=2fdb5ade47601449cf96d7bc1181faba

Association Kokopelli 

http://kokopelli-semences.fr/  

+ Vidéos et livres sur la permaculture de Sepp Holzer, Emilia Hazelip, Claude Bourguignon, François Couplan, Marc Bonfils, Marc Dufumier, etc.

Le verger

 

Fukuoka a commencé à faire pousser des agrumes, puis des poiriers, néfliers, kakis, cerisiers japonais, et conservé ou replanté de nombreuses espèces indigènes. Le sol était argileux, rouge et compact mais est aujourd’hui meuble, noir, et riche en matière organique et vers de terre.

-    Il a d’abord  ôté des pins qui poussaient sur le terrain, en en laissant certains comme brise-vent, puis élagué la couverture du sol épineuse et herbeuse et semé du trèfle blanc et de la luzerne à la place.

-      Avec la coupe des arbres autochtones, des insectes firent leur apparition. Pour les mites et cochenilles, Fukuoka dilue environ 300 fois de l’huile qu’il pulvérise une fois au milieu de l’été (autre option plus naturelle : savon noir dilué 100% olive ou lin) ;

-     Planter des acacia Morishima lui a d’abord permis d’améliorer la terre du verger (les bactéries se nourrissant de ses racines fertilisent le sol et il fixe bien l’azote), mais aussi de faire venir des coccinelles qui l’ont débarrassé des insectes dérangeants pour ses arbres. Ses feuilles font un bon fourrage et ses fleurs attirent les abeilles ; c’est également un brise-vent. Il en a planté 60 à l’hectare.

-  Il a également semé du radis japonais (daikon) : ses racines pénètrent profondément, ajoutent de la matière organique et laissent pénétrer l’air et l’eau. Il resème tout seul et ne nécessite pas d’entretien.

-    On ne doit pas cesser d’un coup d’élaguer les arbres s’ils ont déjà dévié de leur forme naturelle, mais on peut graduellement leur faire retrouver leur forme naturelle.

-     Selon Fukuoka, si on dispose d’arbres à proximité, le bois enrichit davantage le sol que la paille (il pratique un peu le BRF dans son verger, à coupler avec le trèfle ou autre pour l'apport en azote).

-     Au milieu de l’été, il recoupe à la faux les mauvaises herbes, ronces, et retire les gourmands et pousses d’arbres indésirables, puis sème du trèfle et de la luzerne.

4)      La totalité de la paille de céréale non-hachée est répandue sur le champ comme mulch. L’eau est maintenue dans le champ pendant 7 à 10 jours lors des pluies de la mousson pour affaiblir le trèfle et les mauvaises herbes, et faire germer le riz, puis on met en place des rigoles de drainage pour évacuer l’eau. Le trèfle reprendra ainsi de la vigueur lorsque le riz sera en pleine croissance et empêchera les mauvaises herbes de gagner.

5)      Les pluies suffisent à arroser jusqu’en août où on arrose 1 fois par semaine (avec la couche de paille et d’engrais vert, l’humidité du sol est suffisante même pour le riz). Il n’y pas d’irrigation : le pied du riz ne doit pas être immergé contrairement à la tradition, car même si cela permettait de bien réduire la corvée de désherbage, les racines du riz sont plus fragiles et le riz plus sensible aux maladies et moisissures.

6)      Le riz est moissonné en octobre, suspendu pour sécher, puis battu.

 

Cette technique demande beaucoup moins de travail que la culture traditionnelle du riz et des céréales au Japon ; elle enrichit le sol en humus et augmente les rendements.

Dans des milieux plus secs que le Japon, le sarrasin, le sorgho et le millet sont plus adaptés à cette technique que le riz, sauf peut-être le riz des montagnes. La luzerne, la vesce, une autre sorte de trèfle ou le lupin peuvent aussi remplacer le trèfle blanc. Du compost, du désherbage et de l’élagage peuvent être utiles dans une période de transition.

Pour les céréales, Fukuoka préfère des variétés rustiques avec des feuilles et une taille plus petites. Il cultive aussi une variété ancienne de riz glutineux du sud qui possède un rendement particulièrement élevé avec sa méthode.

Quelques résultats : Fukuoka récolte 6 tonnes de riz à l’hectare, ce qui est équivalent aux rendements des agriculteurs chimiques japonais d’aujourd’hui (moyenne mondiale aujourd’hui : 3,9 t/h) et parvient même à récolter 7,5 t/h avec le riz glutineux ancien. Pour les céréales d’hiver, son rendement est souvent supérieur (entre 59 et 78 quintaux de céréales d’hiver / 60 en France (chiffre 2007) et en ne cultivant que ces céréales sur la parcelle alors que Fukuoka fait en alternance des récoltes de riz sur la même parcelle !). Les coûts de production sont, eux, bien inférieurs.

trèfle blanc (engrais vert)

L’agriculture « naturelle » selon Masanobu Fukuoka

La culture des céréales

 

Etapes et calendrier suivi par Masanobu Fukuoka :

1)      Début octobre, avant la moisson de la précédente récolte, Fukuoka sème en même temps du trèfle blanc et des graines de riz enfermées dans des boulettes d’argile en les dispersant à la surface d’un sol non inondé, puis sème les céréales d’hiver mi-octobre (orge et seigle dans 2 champs séparés, mais souvent dans des champs où il a semé le riz peu auparavant –le blé est aussi une céréale d’hiver, mais met plus de temps à mûrir).

NB : on sème environ 5 kg de trèfle blanc à l’hectare et 30 à 60 kg de céréales d’hiver. On peut augmenter les quantités quand on débute et que le sol est pauvre et/ou dur. Toutes les graines sont semées à la volée sans enterrer.

2)      Début novembre, une fois que le riz de la semence précédente est mûr, il le moissonne et récupère la paille de riz pour en faire du mulch qu’il répand en une couverture épaisse sur les champs d’orge, avoine et seigle –il fait de même avec le mulch de paille d’orge et de seigle quand il sème à nouveau du riz (il récupère entièrement les déchets verts de ses précédentes récoltes pour les épandre sur le sol, sans rien jeter). Il sème alors à nouveau du riz (20 à 40 kg à l’hectare) parmi l’orge ou l’avoine de mi-novembre à mi-décembre (ou bien attend le printemps pour le faire).  NB : il est préférable d’utiliser de la paille de céréale d’hiver pour le riz et inversement, entre autres pour éliminer les risques de transmission de maladies. Fukuoka conseille de ne pas utiliser la paille de céréale d’hiver pour une autre céréale d’hiver (à la place du riz, on peut alterner avec du sarrasin, millet, soja, etc. -voir aussi http://fr.ekopedia.org/Engrais_vert).

3)      Il opère ainsi une rotation riz-céréales d’hiver. Seigle, avoine et orge germent rapidement et sont coupés vers le 20 mai puis laissés à sécher sur le champ une dizaine de jours, battus, vannés et mis en sacs pour être engrangés (entre-temps, Fukuoka a récolté des agrumes de novembre à avril, tandis que le riz ne germe qu’au printemps).

Les grands principes

 

Limiter les interventions humaines nécessaires et mettre fin aux travaux inutiles (ce qui ne signifie pas ne rien faire, mais rend possible à ‘l’agriculteur du dimanche’ de cultiver son jardin) ; se passer de chimie et de labour ; enrichir le sol (engrais verts, paillage, etc.)  plutôt que de l’épuiser ; respecter les cycles naturels ; utiliser les atouts propres à chaque écosystème ; être auto-suffisant et réduire les coûts en se limitant au strict nécessaire pour les équipements et en se passant de produits chimiques ; réhabiliter les sols détruits par l’agriculture chimique ; maintenir un environnement sain pour lutter contre maladies et ravageurs.

 

En pratique

 

-          Le paillage est d’une importance capitale pour les céréales et les légumes. La paille de riz ou de céréales a de multiples fonctions : elle fertilise le sol, aide à la germination, empêche les mauvaises herbes de pousser, protège les graines des moineaux, retient l’eau sans faire pourrir, protège du froid. Il faut la répandre de manière aérée mais en couche épaisse. On peut aussi utiliser du foin et autres herbes séchées, mais il vaut mieux qu’il n’y ait que des tiges sans graines (Fukuoka récolte les graines des céréales qu’il fait pousser et utilise les tiges comme paillage, sans les hacher et en les jetant à la ronde sans les tasser au sol).  

-          Surtout pas de labour, pas de sillons (pour les graines à germination lente, on peut tout de même les enterrer légèrement). Comme de nombreux ingénieurs agronomes et spécialistes de l’agrologie, Fukuoka constate que le labour, au lieu de nourrir le sol comme le paillage ou le BRF, fait sécher la couche de terre qui se trouve retournée à l’air libre, forme une croûte, dégrade la qualité du sol et oblige l’agriculteur à employer davantage d’engrais. L’absence de labour permet d’améliorer la pénétration des racines des plantes et l’activité des micro-organismes qui enrichissent et aèrent le sol.

-          Semis direct : on n’enterre pas les graines (elles sont semées à la volée puis recouvertes de paille de céréale)

-         Désherbage minimal : pas de désherbant ni de désherbage au cultivateur. Un premier désherbage (non profond) est nécessaire, avant de semer pour la 1ère fois trèfle blanc et céréales, puis de pailler, mais ensuite, Fukuoka ne désherbe plus quand les pousses grandissent (paillage ou BRF alliés au trèfle blanc contrôlent seuls les mauvaises herbes). Pour les légumes, il recoupe les mauvaises herbes quand les pousses sont jeunes, mais ensuite, il les laisse pousser avec la couverture du sol naturelle. Certains légumes non récoltés tombent, et leurs graines donnent plus tard d’autres légumes qui poussent sans soin. Les mauvaises herbes doivent être contrôlées mais pas éliminées car elles participent à la fertilité du sol et à l’équilibre de l’écosystème. Si on sème pendant que la moisson précédente mûrit encore, ces semences germeront avant les mauvaises herbes et permettront leur contrôle.

-          Ni fertilisants ni pulvérisations chimiques (insecticides, désherbants, engrais, etc.) qui entraînent vite une dépendance en tuant aussi les défenses des plantes et les prédateurs des insectes nuisibles (enclenchant un cercle vicieux qui peut mettre plusieurs années à s’inverser). Une enquête de la préfecture de Kochi a révélé que les insectes ravageurs n’étaient pas plus nombreux dans les champs de Fukuoka que dans les exploitations arrosées d’insecticides ; en revanche, le nombre de prédateurs de ces insectes « nuisibles » était bien supérieur. Fukuoka n’utilise aucun produit d’aucune sorte, mis à part en de rares occasions une émulsion d’huiles sur les arbres du verger pour protéger de la cochenille.

=>  Pour fertiliser le sol, on sème une légumineuse en couverture du sol (trèfle blanc, luzerne, etc.), puis on recouvre de paille battue, et Fukuoka ajoute un peu de fumier de volaille par-dessus le paillage. On peut ainsi se passer aussi de compost, selon les besoins et la quantité de paillage. La couverture de trèfle blanc est utilisée par Fukuoka aussi bien dans le verger et le potager que pour les champs de céréales.

-          L’élagage des arbres est inutile selon Fukuoka, du moins si on respecte le reste de sa méthode. Se passer d’élagage et produits chimiques n’est en effet possible que dans un environnement sain et naturel.

-          Techniques naturelles pour protéger les semences. Ex : réalisation de boulettes d’argile pour protéger le riz des prédateurs et des moisissures (on dépose sur un plateau les graines et on secoue le plateau d’un geste circulaire, on saupoudre d’argile finement pulvérisée puis on vaporise de l’eau sur le tout (on peut aussi faire tremper les graines dans l’eau qqs heures puis les rouler dans de l’argile humide). Il lui arrive de faire cela pour les autres céréales et les légumes aussi

-          Riz cultivé en culture sèche et non dans des rizières irriguées (ce qui réduit fortement les émissions de méthane, puissant gaz à effet de serre, ainsi que le risque de moisissures et maladies, et la consommation d’eau)

 

NB : Les pratiques décrites sont adaptées à un écosystème, un climat, etc. particulier et il faudra souvent tâtonner pour trouver ses propres techniques.

Masanobu Fukuoka (1913-2008) débute comme microbiologiste, spécialiste en phytopathologie (maladies des plantes), un temps chargé, en tant que directeur de la division agriculture scientifique de la préfecture de Kochi, d’augmenter la productivité alimentaire en temps de guerre. Il remet rapidement en question les fondements de l’agriculture chimique qui génère à la fois une dépendance forte aux intrants pétrochimiques et une érosion des sols et de la biodiversité. Il décide alors de retourner dans son village natal pour mettre en application ses théories et développer une agriculture « naturelle » ou « sauvage », qui utilise les écosystèmes comme alliers plutôt que de les détruire (cela rejoint ce que l’on appelle aujourd’hui « permaculture »). Après quelques essais infructueux, il parvient à développer une agriculture durable qui produit autant voire davantage que l’agriculture chimique, tout en épargnant les ressources et en améliorant la qualité des sols et des écosystèmes. A partir des années 80, son expérience éveille un large intérêt au Japon, et Fukuoka donne alors de fréquentes conférences, enseigne ses techniques à de nombreux stagiaires et fait de sa ferme un centre d’étude et d’échanges pour de multiples experts et visiteurs internationaux. La quasi-totalité des préfectures du Japon ont fait des tests d’ensemencement direct sans « culture » (sans labour ni travail de la terre notamment), selon la méthode de Fukuoka, et ont obtenu des rendements équivalents à ceux de l’agriculture chimique. Le livre La révolution d’un seul brin de paille relate l’histoire de Masanobu Fukuoka et détaille ses techniques d’agriculture qu’il nous faut résumer ici.

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